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AFFAIRE FIONA : RETOUR SUR UNE PREMIÈRE JOURNÉE D'AUDIENCE AUX ASSISES DU RHÔNE

Mardi 1 Décembre - 23:00

Police - Justice


La Cour d'Assises du Rhône, à Lyon. - © Léa Duperrin / Radio Scoop
Le 4e procès de Berkane Makhlouf et de Cécile Bourgeon s'est ouvert ce lundi aux Assises du Rhône à Lyon. Il doit durer trois semaines, sept ans après la mort de la petite Fiona dont le corps n'a jamais été retrouvé.


Elle comparaît libre, lui purge une peine de vingt ans de prison. Cécile Bourgeon et son ex-compagnon Berkane Makhlouf encourent tous les deux jusqu'à 30 ans de réclusion criminelle. Sept ans après la disparition de Fiona à Clermont-Ferrand, l'affaire aux nombreux rebondissements judiciaires connaîtra peut-être un nouveau dénouement.

Avant de plonger dans la première journée d'audience, vous pouvez retrouver ici un retour sur les grands axes de ce qui est devenu l'affaire Fiona.

"En aucun cas j'ai été violent avec les enfants de Cécile"


Après un rappel des faits par le président de la Cour, le procès s'est ouvert avec l'examen des personnalités des deux accusés. Déjà, il est rappelé que bon nombre de témoignages font état de deux personnes impulsives, incapables de réagir autrement que dans la violence notamment dans des situations de manque. La toxicomanie des deux mis en cause sera omniprésente dans les débats.

De même qu'une maltraitance de la petite Fiona, dont les marques de violences étaient cachées à l'école et aux médecins. Un bandeau pour dissimuler une bosse peu de temps avant sa disparition et des violences qui seraient allées croissantes, dans le silence.

Les expertises psychiatriques n'ont démontré aucune forme de maladie mentale ou même de troubles de la part des deux accusés.

À tous les deux, une première question est posée. Reconnaissez-vous les faits présentés ?

"Je reconnais avoir menti. Mais je ne reconnais pas les violences", affirme la mère de Fiona.

"Depuis sept ans je suis incarcéré, je dois me battre pour mon innocence. En aucun cas j'ai été violent avec les enfants de Cécile", ajoute Berkane Makhlouf.

Comme lors des précédents procès, ils se renvoient la responsabilité.



"La drogue, ça détruit les gens"


Il est le premier à revenir sur son parcours. Une enfance plutôt heureuse à Lyon, malgré la mort du père à l'âge de 4 ans. Il évoque des difficultés avec ses frères et sœurs, dans une fratrie recomposée où la violence s'installe. Berkane Makhlouf explique avoir été frappé par son grand frère "mais ce n'est pas ça qui m'a rendu violent, moi au contraire les enfants j'ai toujours voulu les protéger", avance-t-il.

Placé en foyer à 13 ans, il traine dans la rue. Il arrête l'école en 4e puis exerce des petits boulots, travaille au noir comme couvreur. Il habite Lyon, Nevers et se rend régulièrement à Clermont-Ferrand pour voir sa mère hospitalisée.

Dans la vingtaine, il se met à consommer de la drogue. Cannabis puis cocaïne puis héroïne puis kétamine. Il prend ensuite des médicaments, Xanax, Subutex. "Comment pouviez-vous financer une telle consommation ?", questionne le président. "Je revendais un peu", répond Berkane Maklhlouf.

Plusieurs histoires amoureuses et un jour, en 2012, la rencontre de Cécile Bourgeon. "On était tous les deux malheureux, ça a été le coup de foudre", explique-t-il.

Le président s'interroge. Comment expliquer cette toxicomanie qui perdure dans le couple alors que Cécile a deux filles et qu'elle est enceinte de Berkane Makhlouf ? "On avait des lacunes... Et puis la drogue, ça détruit les gens", répond l'accusé.

Son casier judiciaire est ensuite détaillé, une dizaine de mentions et des condamnations pour violences, vols et menaces de mort notamment entre 2002 et 2015. Son comportement en détention lui vaut plusieurs séjours en cellule disciplinaire. "En prison je n'ai aucune activité, je ne peux rien faire, je ne peux pas travailler", se plaint-il. S'il a reçu quelques visites de ses frères et sœur au début, il n'a plus vu personne depuis plusieurs années.



Appelé comme témoin, son demi-frère explique qu'il "pleurait tout le temps quand il était petit. Il avait de l'angoisse, il était colérique."

Plus tard, ils s'entendent bien, Berkane Makhlouf garde parfois les enfants de son demi-frère qui assure que tout se passait très bien.

"Vous connaissiez Cécile Bourgeon ?", questionne le président.

"Je l'ai rencontré elle était serveuse dans un bar mal fréquenté de Clermont et je la voyais souvent dans une boîte près de la gare. Je lui avais dit, attention cette fille-là, je connais ses mauvaises fréquentations. Après c'était fini, mon frère il était parano il pensait que je rentrais chez lui en douce, pour lui voler de la drogue. On ne s'est plus parlé", poursuit le témoin.

Est-ce qu'il pense son demi-frère capable de violence sur Fiona, voire du pire ? "Je ne le vois pas du tout faire ça", avant de poursuivre, "Peut-être que s'il avait eu un père... On a essayé de le soigner, mais personne n'a jamais voulu de lui car il était majeur. On a tout fait."

"Je n'accepte pas que le résultat de tout ça soit la mort de ma nièce"


Cécile Bourgeon se lève, il faut lui demander plusieurs fois de parler plus fort. D'une voix calme, elle revient sur son enfance marquée par les violences de son père. L'école qui s'arrête en 3e, un brevet manqué et du travail dans la restauration. S'en est suivi une série de petits boulots : des ménages, de la plonge, elle est serveuse, fait de l'intérim, de la vente... Et la drogue arrive, d'abord le cannabis.

Cécile Bourgeon confirme, sa première grande histoire d'amour commence avec le père de Fiona. Elle a 15 ans, lui 18. Ils sont restés huit ans ensemble et ont eu deux enfants. Fiona naît la première en 2007, pas attendue mais désirée quand même.

L'héroïne s'est installée dans le couple, "j'ai eu ma première crise de manque", explique l'accusée. "Cette merde, fait trop souffrir."

Le couple se sépare, Cécile Bourgeon vit seule avec ses deux filles. En 2012 peu de temps avant de rencontrer Berkane Makhlouf, elle subit un viol. Son agresseur a d'ailleurs été condamné et est actuellement incarcéré.

Elle entame alors une relation avec Berkane Makhlouf. Les tensions arrivent assez vite, toujours sur fond de consommation de stupéfiants. "Vous le décrivez à ce moment-là comme violent, manipulateur. Pourquoi êtes-vous restée avec lui ?", demande le président.

"Peut-être qu'au fond je me suis dit que j'avais besoin de lui", répond Cécile Bourgeon.

"C'est la drogue qui vous unissait ?"

"Oui, totalement. Ça m'a tué. Vous ne vous rendez pas compte de ce que c'est, on ne sort pas de ce système."

Le petit frère de Cécile Bourgeon est appelé à témoigner. Décrit comme assez proche de sa nièce Fiona, il dit avoir rencontré Berkane Makhlouf à plusieurs reprises, une ou deux fois. Au début de leur relation, il ne remarque rien, si ce n'est "qu'il se prenait pour le père des deux filles [de Cécile Bourgeon] de manière exagérée." Et puis le temps passe, il sent que quelque chose ne va pas, Fiona semble plus distante et silencieuse.



"Je n'accepte pas que le résultat de tout ça soit la mort de ma nièce", finit-il par ajouter.

La mère de Cécile Bourgeon témoigne


La journée d'audience s'est terminée avec l'appel à la barre de la mère de Cécile Bourgeon, grand-mère maternelle de Fiona. Constituée partie civile, elle assure ne pas être contre sa fille. "Je veux connaître la vérité sur ce qu'il s'est passé, mais je reste sa maman... On n'abandonne pas son enfant", explique-t-elle, la voix prise par l'émotion.

Questionnée sur la consommation de drogue de sa fille, elle dit ne pas en avoir eu connaissance quand cela a commencé. Sur les violences subies par Cécile Bourgeon quand elle était enfant, elle explique : "je ne l'ai su que plus tard, il ne disait rien, les enfants non plus."

Lorsque Cécile Bourgeon se met en couple avec Berkane Makhlouf, sa mère ne note rien d'alarmant. "Mais quand la porte de l'appartement se ferme on ne sait plus ce qu'il se passe", ajoute-t-elle. Elle indique avoir vu Fiona un peu moins vive que d'habitude, sans aller lui demander ce qui n'allait pas. "Peut-être que je n'ai pas voulu voir", finit-elle par affirmer.

L'audience suspendue un peu après 20 heures, reprend ce mardi à 9h30.